Pas de doute: Pierre Robitaille, membre fondateur et directeur
artistique du Théâtre Pupulus Mordicus, est marionnettiste de
l'âme jusqu'au bout des doigts. Il est aussi comédien. Et, surtout,
touche-à-tout. C'est pour cela que l'art de la marionnette l'a appelé
: " J'étudiais en arts plastiques et je faisais du théâtre. Dès mon
premier contact avec la marionnette, j'ai compris qu'elle me permettrait
d'explorer le côté multidisciplinaire de mon expression artistique "
, indique-t-il en entrevue téléphonique de Québec. Où il fait une pause
entre deux séries de représentations des Enrobantes, cabaret
décolleté pour psychanalyste plongeant.
La pièce - mettant en vedette quatre comédiens, deux musiciens et 14
marionnettes, et gagnante du Masque de la Production "Québec " en
1998 - vient en effet de faire un nouveau tabac au Périscope. Elle
arrive à Montréal le 9 février, où elle devrait brasser la salle Fred
Barry du Théâtre Denise Pelletier.
" Dans une version qui, depuis la création, a mûri au niveau du texte,
de la mise en scène et de la manipulation ", fait remarquer Pierre
Robitaille. Ce qui est tout à fait normal dans le cheminement de
la troupe fondée en 1995 par trois copains aux talents multiples qui
avaient envie de présenter quelque chose aux Médiévales. Cela a donné
Faust, le pantin du diable. Un " quelque chose " qui a en fait
duré tout l'été, a remporté le Masque de la meilleure production
"théâtre en été" en 1996 et est parti en tournée loin et souvent.
Le Théâtre Pupulus Mordicus avait trouvé son terrain de jeu théâtral,
celui de la marionnette en interaction avec le comédien - et pas seulement
au niveau de l'intrigue. Une " fusion " possible grâce à la manière
de faire de la compagnie : " Nous sommes un collectif de créateurs.
Il existe un parallélisme dans le travail d'écriture, de fabrication
des marionnettes, de la conception des éclairages et de la scénographie.
On sent l'imbrication, l'osmose à tous les niveaux. "
Sur le plan de la production, l'imbrication peut se résumer ainsi :
le texte des Enrobantes est signé Marie-Christine Lê-Huu,
mais vient d'une idée de Pierre Robitaille qui a conçu les marionnettes,
a participé à l'élaboration du décor et joue dans ce spectacle mis en
scène par Gill Champagne, etc. Sur le plan du jeu, l'osmose comédien/marionnette
s'est par exemple vu durant Faust, lorsque les spectateurs ont
juré avoir aperçu la marionnette cligner des yeux et verser une larme.
" Mais c'est mon visage qui était là ", s'amuse Pierre Robitaille.
Dans Les Enrobantes, dont l'intrigue se situe à Vienne dans les
années 30 et met en scène nul autre que Freud, le lien entre l'artiste
et sa créature est plus évident. Nous sommes en présence de l'homme
et de son double. Son Moi, son Ça, son Surmoi, au choix. Mais peu importe,
l'homme, lui, le père de la psychanalyse, est durement mis à l'épreuve.
Le spectre de l'impuissance plane sur lui. Traqué par son épouse, par
Mélanie Klein et par Carl-Gustave Jung, il se réfugie dans un cabaret
minable. Et dans les bras de la sublime Lola - histoire de se faire
remonter (le moral, s'entend).
" La première partie est burlesque… mais avec un texte raffiné, poursuit
Pierre Robitaille. Puis tranquillement, les personnages et le
public sont amenés vers une compréhension plus grave de ce qui va se
passer. Les années folles sont finies, les mouvements artistiques et
sociaux sont en effervescence. Et nous sommes à un pas de la Deuxième
Guerre mondiale... "
Un scénario permettant d'explorer les caractéristiques qui, dit Pierre
Robitaille, distinguent le théâtre de marionnettes pour adultes
fait au Québec de celui qui se fait en Europe : le spectaculaire, le
" showbiz style Broadway " et l'irrévérencieux.
|