Photo: Martin Morissette

7 septembre 2001
Ribouldingue théâtrale
MARIE-CHRISTINE BLAIS
sources: La Presse

«On se tape le bassin, on rit tout notre saoul...» c'est en ces termes que débutait la chanson-thème de la défunte (et ô combien regrettée) émission pour enfants La Ribouldingue. Et c'est également en ces termes qu'on pourrait résumer l'ambiance de Faust, pantin du diable, du Théâtre Pupulus Mordicus, à l'affiche de Fred-Barry jusqu'au 22 septembre.

Car il y a des coups de pied au derrière, des poursuites loufoques, des personnages burlesques et des gags à foison dans cette production dont les acteurs sont des marionnettes, manipulées avec un incroyable talent par les membres du Pupulus Mordicus.

Leur dextérité, leur gestuelle, l'aisance avec laquelle ils donnent voix aux divers personnages sont toutes remarquables. Quant à la conception des marionnettes elles-mêmes, Pierre Robitaille (qui est également un manipulateur exceptionnel) et Sylvie Courbron ont fait un travail tout simplement admirable. Le corps bisexué de Méphisto est à lui seul un petit délire visuel!

On soulignera également la qualité de la prestation musicale, puisque deux musiciens rock sont sur scène pour appuyer l'action de façon musclée et constante, tout en y participant eux-mêmes activement comme comédiens - on apprendra ainsi qu'un musicien n'est en fait qu'une pauvre âme errant au purgatoire. Tout s'explique...

Pour ce qui est du texte de Marie-Christine Le-Hûu, que dire sinon qu'il est sympathique et gentiment truculent? Menée à fond de train par la mise en scène de Philippe Soldevila, cette relecture du mythe de Faust est vidée d'à peu près tout son tragique pour devenir une grosse et grasse farce médiévale, ce qui ne manquera pas de ravir en particulier le public adolescent de la salle Fred-Barry.

Les plus grands auront également de quoi rire sans risque d'anévrisme, avec des formules magiques du genre «mira cra, myra cree, languirand, languiri» ou les menaces de Satan à l'intention de Méphisto s'il ne réussit pas à lui ramener l'âme de Faust: le pauvre Méphisto sera alors condamné soit à lécher les pieds de mère Teresa pour l'éternité, soit à être transformé en colombe de la paix. L'une et l'autre option terrorisent également le valet de Satan!

On ne manquera toutefois pas de trouver juste un peu dommage que cette production n'aille pas beaucoup plus loin que le rire. Source d'inspiration de je ne sais combien de films, opéras et pièces, Faust accepte de vendre son âme au diable pour retrouver jeunesse et puissance, quitte à faire souffrir des innocents, ce qui n'est pas sans parallèle avec le monde d'aujourd'hui.

À sa décharge, précisons que ce Faust, pantin du diable est la toute première création du Pupulus Mordicus et qu'elle remonte à 1995. Depuis, la troupe et Marie-Christine Le-Hûu nous ont proposé Les Enrobantes (présenté à la salle Fred-Barry en 2000), inspirée d'un épisode dans la vie de Sigmund Freud et qui allait vraiment plus loin dans la réflexion, sans négliger pour autant le plaisir.

Au même endroit et s'inspirant également d'un grand classique, Candide de Voltaire, le Théâtre du Sous-Marin jaune avait lui aussi proposé une version pour marionnettes absolument débridée et inoubliable.

Rien de cela dans ce Faust qui, telle une émission pour grands enfants en quête de délassement inoffensif, ne laissera pas une impression mémorable. Eh mon Dieu, pourquoi pas? Après tout, demandait-on à Paillasson et Friponneau de nous marquer à vie?