Dessin: Pierre Robitaille
|
31 août 2001
Un Faust festif et réjouissant
Ève Dumas
sources: La Presse
Homme de la Renaissance, héros romantique, manipulateur
génétique, le célébrissime docteur Faust a connu de nombreuses incarnations.
Le Théâtre Pupulus Mordicus de Québec est retourné aux origines
du grand mythe né au XVIe siècle pour proposer non pas une nouvelle
thèse, mais un spectacle de marionnettes (pour adultes) festif et réjouissant.
|
«Ceux qui viendront voir le spectacle en cherchant une nouvelle lecture
de Faust seront peut-être surpris, avertit Philippe Soldevila,
metteur en scène et collaborateur à la dramaturgie. On a abordé Faust
comme une histoire à raconter, sans se prendre la tête par rapport à
toutes les possibles versions. Ce n'est pas un travail intellectuel,
mais sensoriel, sans prétention. C'est un théâtre de rue.»
Aux origines de la légende Faust, pantin du diable avait effectivement
été créée en 1995 comme une pièce d'extérieur présentée au parc de l'Artillerie,
à Québec. La production qui a remporté prix (Jacques-Pelletier pour
la scénographie), mention (Prix d'excellence de la culture) et nominations
(Académie québécoise du théâtre) avait ensuite été invitée au Carrefour
international de théâtre de Québec, à la Semaine mondiale de la marionnette
à Jonquière, de même qu'à des festivals internationaux en France et
en Italie.
Pour prolonger encore un peu la vie de cette pièce, on en a conçu une
version en salle, donnée au Périscope, à Québec toujours, l'an dernier.
C'est cette version que nous verrons à la salle Fred-Barry, à compter
de mardi.
Rappelons que la légende qui a enflammé les plumes de Marlowe, Goethe
et bien d'autres, raconte l'histoire de Faust qui, arrivé à la
fin de sa vie, troque son âme contre une cure de rajeunissement en règle.
Le héros est en proie à une triple obsession: l'amour, le pouvoir et
le savoir. Mais il finira par payer cher son appétit pour l'empire des
sens et sa soif de connaissance.
Faust, pantin du diable remonte réellement aux origines de la
légende, et dans le temps, et dans le médium. Aux XVIIe et XVIIIe siècles,
en plus d'alimenter les récits populaires, Faust connaissait
un rayonnement sur les tréteaux de foires et dans les théâtres de marionnettes.
«Dans notre spectacle, c'est comme s'il y avait une espèce de troupe
moyenâgeuse qui venait tout simplement nous conter une histoire. L'ambiance
est à la fête, on y perçoit clairement le plaisir du jeu. La marionnette
(manipulée à vue) permet beaucoup de liberté, parce qu'au contraire
d'un comédien, elle peut tout faire. On peut la virer à l'envers, la
faire voler, c'est très excitant», explique le metteur en scène qui
a d'ailleurs commencé sa carrière en théâtre comme marionnettiste, avec
Pierre Robitaille, justement, directeur de la troupe Pupulus
Mordicus, manipulateur et cocréateur des marionnettes de ce Faust.
De toutes les marionnettes qu'il a fabriquées avec Sylvie Courbron
(environ une trentaine), Pierre Robitaille affirmait, en entrevue
avec Le Soleil l'hiver dernier, qu'il concevait une tendresse bien particulière
pour celle de Méphistophélès. Le bras droit de Satan est d'ailleurs,
plutôt que Faust, le personnage central de la pièce.
Une fête de l'interdit. «Nous avons voulu mettre l'accent sur l'histoire
de Méphisto, qui veut grimper en poste et se rapprocher de Satan en
corrompant l'âme de Faust, explique Philippe Soldevila.
Méphisto est le porteur du plaisir, de l'interdit, de la lubricité.
Et nous, on avait envie de faire une fête de l'interdit.»
|