Le Théâtre Pupulus Mordicus de Québec renoue pour sa part,
avec la tradition beaucoup plus rabelaisienne du mythe, celle qui fit
de l'alchimiste Joannes Faust, en Europe germanique d'abord une figure
très populaire du spectacle de marionnettes pour adultes.
D'ailleurs, comme l'indique le titre de cette variation, ce Faust-là
est bel et bien le pantin du diable. Le savant met bien peu de temps
à vendre son âme et se métamorphose en un éclair en jeune amoureux transi
puis en meurtrier guère repentant. En fait, celui qui en arrache dans
cette version triviale, c'est Méphisto. Le diablotin a le plus grand
mal à respecter les exigences de son maître, Satan. Bref, il va de maladresse
en l'âme de Faust lui échappant à la fin. Avec pour résultat que c'est
au gaffeur impénitent que la punition échoit.
C'est donc un Faust paillard qu'à écrit Marie-Christine Lê-Huu
(Les Enrobantes) pour Pupulus Mordicus, d'une irrévérence
de surface qui se veut une simple invitation au plaisir, déluré si possible,
sans affres surtout. Ou pour le répéter dans les termes du metteur en
scène, Philippe Soldevila: " C'est un spectacle qui se veut
jouissif et libérateur" Pour cela, le conflit s'est déplacé de la
conscience du héros aux rapports entre un serviteur et son maître, schéma
emprunté par tant de farces. Quant aux amours de Faust et Marguerite,
elles deviennent accessoires dans cette bédé techniquement bien exécutée
mais sans conséquences.
Pouvoir évocateur de la nuit aidant il n'empêche que la réalisation
devait être un peu plus impressionnante à la création en 1995 au Parc
de l'Artillerie, à Québec, alors que le spectacle était donné à l'extérieur,
à la lueur des flambeaux. Le son devait aussi mieux voyager que dans
le rectangle sans profondeur de la salle Fred-Barry. Car le spectateur
a beau apprécier les liens tressés par les musiciens sur place et l'action
scénique de même que l'évidente complicité avec les manipulateurs à
vue, certaines oreilles, moins jeunes, s'en trouveront parfois saturées.
Chose certaine, la représentation est menée, au propre comme au figuré,
tambour battant. Suivant ce rythme infernal, les marionnettes volettent
d'un bout à l'autre de la scène, sans jamais se poser longuement. Sur
le plan esthétique, elles ne manquent pas de pittoresque. Méphisto,
en particulier, paraît plus charnel que ne le sont d'habitude les pantins
qu'il m'a été donné de voir. Des manipulateurs, il faut vanter l'habileté
technique et la polyvalence vocale, mais surtout une vivacité dans le
mouvement et un sens aigu du comique. A l'image d'une production qui
bourdonne de dynamisme plutôt que de se payer d'états d'âme. Après tout
Goethe lui-même, dans son Faust convient que "l'action est tout,
la gloire rien."
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