Photo: Martin Morissette

10 septembre 2001

FAUST EN MINEUR
Hervé Guay
sources: Le Devoir

Historiquement, la légende de Faust a suscité tour à tour des versions tragiques et d'autres beaucoup plus prosaïques. La chose tient sans doute à l'âme du héros, appelé aussi bien par une quête irrépressible d'absolu que tiraillé par des désirs bien terrestres.

Le Théâtre Pupulus Mordicus de Québec renoue pour sa part, avec la tradition beaucoup plus rabelaisienne du mythe, celle qui fit de l'alchimiste Joannes Faust, en Europe germanique d'abord une figure très populaire du spectacle de marionnettes pour adultes.

D'ailleurs, comme l'indique le titre de cette variation, ce Faust-là est bel et bien le pantin du diable. Le savant met bien peu de temps à vendre son âme et se métamorphose en un éclair en jeune amoureux transi puis en meurtrier guère repentant. En fait, celui qui en arrache dans cette version triviale, c'est Méphisto. Le diablotin a le plus grand mal à respecter les exigences de son maître, Satan. Bref, il va de maladresse en l'âme de Faust lui échappant à la fin. Avec pour résultat que c'est au gaffeur impénitent que la punition échoit.

C'est donc un Faust paillard qu'à écrit Marie-Christine Lê-Huu (Les Enrobantes) pour Pupulus Mordicus, d'une irrévérence de surface qui se veut une simple invitation au plaisir, déluré si possible, sans affres surtout. Ou pour le répéter dans les termes du metteur en scène, Philippe Soldevila: " C'est un spectacle qui se veut jouissif et libérateur" Pour cela, le conflit s'est déplacé de la conscience du héros aux rapports entre un serviteur et son maître, schéma emprunté par tant de farces. Quant aux amours de Faust et Marguerite, elles deviennent accessoires dans cette bédé techniquement bien exécutée mais sans conséquences.

Pouvoir évocateur de la nuit aidant il n'empêche que la réalisation devait être un peu plus impressionnante à la création en 1995 au Parc de l'Artillerie, à Québec, alors que le spectacle était donné à l'extérieur, à la lueur des flambeaux. Le son devait aussi mieux voyager que dans le rectangle sans profondeur de la salle Fred-Barry. Car le spectateur a beau apprécier les liens tressés par les musiciens sur place et l'action scénique de même que l'évidente complicité avec les manipulateurs à vue, certaines oreilles, moins jeunes, s'en trouveront parfois saturées.

Chose certaine, la représentation est menée, au propre comme au figuré, tambour battant. Suivant ce rythme infernal, les marionnettes volettent d'un bout à l'autre de la scène, sans jamais se poser longuement. Sur le plan esthétique, elles ne manquent pas de pittoresque. Méphisto, en particulier, paraît plus charnel que ne le sont d'habitude les pantins qu'il m'a été donné de voir. Des manipulateurs, il faut vanter l'habileté technique et la polyvalence vocale, mais surtout une vivacité dans le mouvement et un sens aigu du comique. A l'image d'une production qui bourdonne de dynamisme plutôt que de se payer d'états d'âme. Après tout Goethe lui-même, dans son Faust convient que "l'action est tout, la gloire rien."